Imago

FICTION, 32′, NOIR & BLANC et COULEURS

Synopsis : Rationalité, recul et répétitions. Voici les armes avec lesquelles Jeanne, une jeune étudiante, espère mettre en scène Le Songe, une pièce d’August Strindberg. Accompagnée par trois comédiens.nes dans un petit studio de répétition, elle s’engage de tout son être dans cette lutte, contre son propre inconscient, jusqu’à l’obsession.

Imago, premier court-métrage que j’ai réalisé, est formé à l’origine, d’un amalgame de réflexions sur le théâtre, l’art, la manipulation et la dichotomie entre la conscience et l’inconscient. D’un point de vue formel, je souhaitais construire un film sur le motif de la répétition. Cela passait du nom où se passe l’action, la salle de répétition, par les cadrages répétitifs, la construction de chaque séquence ou encore les scènes oniriques que vit Jeanne après chaque répétition avec les comédiens. Chaque séquence se répète certes, mais avec des modifications perceptibles et essentielles.

Avec un regard rétrospectif, je dirais que l’effort est louable mais maladroit, inabouti. La dichotomie entre conscient et inconscient est trop grossière, opposant l’intellectualisme de Jeanne (plutôt lié au savoir et au conscient) aux relations prosaïques entre les comédiens ou avec les scènes de «rêveries» qui seraient plutôt liées à l’inconscient libéré. La tentative échoue par le traitement trop binaire et facile de la mise en scène, l’exemple le plus probant étant la musique classique pour le rigorisme de Jeanne et le blues pour la trivialité des comédiens. La théâtralité, que je souhaitais débordante dans tous les aspects du film (cadrage, jeu des comédiens.nes, fixité, son spatialisé) ne fait que rajouter à cette ambiance surfaite et peu subtile. Les problèmes liés au son (nous nous partagions la perche en l’absence d’ingénieur.euse du son) amplifient les dissonances.

Mais critiquer son propre film n’est pas très intéressant et encore moins équitable. Alors dans un effort de prolongement de cette proposition artistique qu’est ce court-métrage réalisé il y a déjà 4 ans, je vous partage cette histoire du projet, dans cette note personnelle que je souhaite complémentaire de ce projet.

Définition : «  Image inconsciente d’une personne, schème imaginaire à travers lequel le sujet vise autrui et qui oriente ses relations avec autrui. »

Récit de tournage

Tout d’abord s’inscrit une envie de travailler sur la relation qu’entretient l’inconscient avec la création artistique. Rapidement, le récit s’écrit autour du personnage de Jeanne. Le théâtre qui me fascine depuis longtemps me semble être l’art approprié car il est par excellence un processus de la « répétition ». Très vite, les contraintes techniques dues au budget dérisoire m’oblige à me limiter à un seul lieu. Je laisse l’imagination faire son œuvre et j’arrive à une première ébauche de scénario que je propose à Élisa Darnet, qui avec une prévenance courtoise, retravaille avec habilité tout le scénario de A à Z pour que les motifs deviennent des enjeux, les questions/réponses deviennent des dialogues et les liens entre les personnages deviennent des relations.

Quatre personnages, un seul lieu, une répétition (dans les scènes, dans le rythme, dans le jeu). La théâtralité déborde sur tous les aspects, ce que je n’avais pas prévu mais que j’accepte avec plaisir. Le scénario s’appelle d’abord Les Masques, pour parler des masques sociaux que chaque personne porte en fonction de leur environnement. Il deviendra Imago, pour reprendre un terme de psychanalyse qui me semble plus cohérent avec le propos du film. 

Face au rigorisme et la rationalité de Jeanne, je décide de prendre Le Songe d’August Strindberg, la pièce mystique par excellence de l’auteur suédois. Jeanne lutte contre une pièce qui est trop spirituelle pour elle et s’efforce de l’aseptiser. Toutes les scènes de rêves me sont inspirés de cauchemars que je fais, les dialogues de vraies conversations que j’ai pu avoir, parfois avec moi-même. Le scénario laisse beaucoup de place à l’improvisation et j’envisage des comédiens.nes de théâtre pour les rôles à l’exception du rôle de Jeanne. 

Une fois le scénario fixé, je compose un découpage technique hésitant, renforcé ensuite par Lucas Bolea qui avec une patience toute particulière, m’explique les enjeux des différents cadrages que je lui propose, me confronte ou me soutient. Je pense que ma vision égalitaire et démocratique de la collaboration entre les technicien.nes sur un plateau de cinéma doit beaucoup à cette relation que nous avons réussi à avoir avec Lucas, et plus généralement avec toute l’équipe, pour qui je serais toujours reconnaissant. Il partage mes points de vue sur la répétition des cadrages, sur les gros plans et les plans larges qui se confrontent dans une mise en scène très esthétisée par un cache 1.33 appliqué en post-production. Ce « sur-cadrage » offre une fenêtre vers la scène de théâtre dans l’image, doublant le propos du film sur la théâtralisation du monde et des relations. Je limite aussi le nombre de cadrage car nous avons peu de temps pour tout filmer, trois journées limitées par les horaires de l’université dans laquelle nous filmons. Cela se concilie assez bien avec le motif de la répétition : peu de temps, peu de cadres donc une réutilisation au montage des mêmes plans. L’absence de chef.fe-déco, de maquilleuse.eur ou de costumier.ère à cause du budget contraignent les décors, maquillages ou costumes qui sont réduits au minimum pour éviter l’aspect cheap. Nous nous partageons la perche, avec plus ou moins de technique, ce qui résulte d’énormes soucis dans la bande sonore, encore audible malgré les corrections en post-production. Le noir et blanc permet de rendre à cette salle de répétition dans laquelle nous tournons un aspect neutre, sans aspérité, presque chirurgical. Il harmonise les lumières qui sont très simples à cause de l’absence de matériel pour l’image, malgré la créativité de Lucas pour exploiter au maximum les deux pauvres Aputure Cob que nous avons.

Au casting, je trouve quatre comédiens talentueux que je dirige piètrement, à cause de mon inexpérience dans ce domaine. Pourtant, je suis plutôt satisfait par leur surjeu qui donne à l’ensemble ce côté de film en train de se faire, en train de se répéter. J’aurais dû, en conséquence de nos moyens, revoir mes ambitions et sans doute réadapter la direction de comédiens.nes et davantage discuter avec les comédiens.nes afin d’être juste et cohérent. 

Lisa Ben, la formidable scripte qui m’aide à la mise en scène, me propose des solutions qui font sens quand je ne peux pas réaliser ce que j’avais en tête. La frustration fait place à l’inventivité, le doute par la créativité. 

Après un tournage intense mais dans une ambiance merveilleuse, de création collective pure, presque jouissive, nous arrivons à rentrer tous les plans. Commencent alors plusieurs mois de montage, d’étalonnage que viendra conclure la covid qui malgré ma motivation à finir ce film, empêchera le mixage de se faire. 

Avec la création cette année de Sabotage production, cela me trottait dans la tête de finir définitivement ce film et de le diffuser enfin, 4 ans après le tournage. De l’eau a coulé sous les ponts et mes ambitions artistiques et théoriques ont bien changées depuis. Mais malgré ces défauts, je trouve également des belles qualités sincères à ce film, que je vous propose de voir aujourd’hui. 

Pablo Melocco, 15/02/2023

Tous droits réservés à Pablo Melocco. 2019.

Équipe technique et artistique

avec Maiko-Eva Verna, Emmie Poinsot, Charles Martin, Alexandre Veux.

Direction artistique : Lucas Bolea

Scripte : Lisa Ben

Scénario : Élisa Darnet & Pablo Melocco

Régisseuse : Morgane Walter

Production : Lucas Bolea & Pablo Melocco

Monteur : Pablo Melocco

Diffusion : Sabotage Production

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